Vous avez consommé du cannabis et, soudainement, vous avez ce qu’on appelle les « munchies ». Vous mangeriez n’importe quoi, surtout si c’est sucré, salé et gras. En grande quantité. Vous rêvez d’un buffet chinois et d’un bar à sundaes. Mais c’est tout à fait normal. Voici ce que la science peut nous apprendre sur ce phénomène. Et comment éviter d’y succomber à tous les coups.
Sandwich aux Doritos et aux doigts de poulet gratinés au mozzarella, pizza aux patates à déjeuner, sauce ranch, jalapeno et bacon ou bol géant de céréales Lucky Charms recouvertes de crème fouettée : c’est dans la cuisine qu’on peut le mieux apprécier les effets du cannabis sur la créativité.
À quoi doit-on ces expériences qui se situent entre terrorisme culinaire et génie exploratoire? À l’évolution du cerveau! Rien de moins.
Le système endocannabinoïde est l’une des structures les plus primitives du cerveau humain. Il fait partie des organismes vivants depuis au moins 600 millions d’années. Soit à partir du moment où des cellules d’éponges de mer ont commencé à évoluer pour donner ce qui allait devenir l’humanité.
Ces neurotransmetteurs sont responsables de garder l’organisme stable (l’homéostasie) à travers les irritants quotidiens, comme la douleur, la fatigue, les changements de température… et la faim.
Le THC qu’on ajoute à l’organisme en consommant du cannabis vient interagir avec ces récepteurs – un peu à la manière de clés qu’on insère dans des serrures – et provoquer toutes sortes de modifications de la perception. Le relâchement de dopamine, responsable du plaisir, et de ghréline, une hormone digestive qui stimule l’appétit, combiné à l’augmentation de la sensibilité olfactive fait en sorte qu’un sac de chips au poulet frit n’a aucune chance de survie.
Pour en ajouter une couche, une étude publiée dans la revue Nature a révélé que le THC venait aussi brouiller la partie du cerveau contrôlant la satiété.
Comment est-ce possible?
Eh ben, les proopiomélanocortines, ou POMC, sont un groupe de neurones qui sécrètent une hormone qui va calmer le cerveau quand l’estomac est plein. Exposés au THC, ces neurones se mettent plutôt à produire une molécule qui stimule l’appétit et l’effet de « manque ». Une véritable crise d’identité. Un peu comme si les policiers enfilaient un masque et commençaient à braquer des banques.
Ça peut donc sembler un combat perdu pour ceux et celles qui désirent consommer du cannabis sans avoir à cadenasser la porte du frigo. Mais il y a de l’espoir : au Colorado, on explore des cultivars riches en THCV, un cannabinoïde qui serait antagoniste aux régions du cerveau stimulant l’appétit et qui supprimerait ainsi la faim.
Mais l’histoire du rimonabant nous met en garde contre de telles expériences. En 2006, la société pharmaceutique Sanofi-Aventis a mis sur le marché un médicament contre l’obésité agissant sur les récepteurs cannabinoïdes CB1. Les patients qui prenaient du rimonabant n’avaient plus d’intérêt pour la pizza triple viande et les flotteurs au crème soda, ce qui s’annonçait prometteur. Mais on s’est rendu compte qu’ils perdaient aussi leur joie de vivre : une vague de dépressions et de suicides a forcé la société à retirer le produit du marché en 2008.
Le cerveau humain a évolué de telle manière à associer de près plaisir et nourriture. C’est assez logique, puisqu’une espèce que rien n’incite à manger n’aurait jamais pu se hisser au sommet de la chaîne alimentaire.
Plutôt que de jouer aux apprentis sorciers avec des mécanismes aussi anciens, complexes et mal compris, il est probablement plus sage d’user de modération et d’opter pour des compromis : prendre un repas plus léger si on prévoit consommer du cannabis; privilégier des collations « moins pires » comme du maïs soufflé ou des amandes grillées; préparer des portions et boire de l’eau. Bref, la plupart du temps, faisons attention. Mais pas toujours.
Car si on n’en fait pas une habitude, un bon trip de bouffe, ça demeure une expérience absolument exquise.
Sources :
https://www.vice.com/en/article/9ag3x5/this-is-why-weed-gives-you-the-munchies
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rimonabant#:~:text=Le%20rimonabant%20(ou%20SR141716)%20%C3%A9tait,2008
https://fr.wikipedia.org/wiki/Proopiom%C3%A9lanocortine